|
|
L'arc
mongol Arc composite par
excellence
Les arcs
assyriens, turcs, yuroks, égyptiens, japonais, coréens, apaches, eskimosÖ
constituent la vaste famille des arcs dits, composites. Leur origine, leur
utilisation, leur histoire, leur évolution et leurs caractéristiques étant
particulièrement différentes, nous avons choisi de présenter un type d'arc
et plus précisément l'arc mongol pour sa puissance et sa
sensualité.
La Mongolie,
pays des nomades, s'étend sur un vaste territoire. Sa superficie équivaut
à trois fois celle de la France avec une population comptant seulement
deux millions d'habitants. Kazakhs ou mongols apprécient par-dessus tout
cette vie de liberté, que seuls de tels espaces peuvent offrir. Ceci
expliquant l'incroyable audace dont fit preuve, au XIIIe siècle, le fameux
Temudjin devenu Gengis-Khan, élu en 1 208 chef du peuple mongol. En moins
de cinquante ans, ce dernier étendit sa domination de la Chine aux portes
de l'Europe. Il utilisa l'arc mongol comme arme primitive puissante
pouvant atteindre 160 livres pour une portée de 400 mètres
! |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Description et
caractéristiques de l'arc mongol
L'arc mongol
(ou sino-mongol) est un arc composite ; il est formé de plusieurs éléments
étroitement associés avec une âme en bois contrecollée de tendon au dos et
de corne sur sa face interne. En raison de la souplesse de ces matériaux,
les branches recourbées, légères et courtes, emmagasinent beaucoup
d'énergie lorsque l'arc est bandé. La forme de l'arc débandé est proche
d'un C fermé. Le bout de la branche est rigide sur 20 cm et fait office de
bras de levier induisant une démultiplication qui permet d'ouvrir l'arc.
Sur un arc de 70 livres, pesé à 28", la pression au genou (partie ou le
bras de levier s'attache ou angle du levier et de la branche) multiplie
par deux la puissance de l'arc. Ce bras de levier, démultiplicateur,
positionne l'arc mongol à mi-chemin entre l'arc classique et l'arc à
poulies. L'arc mongol est doté d'un récepteur (repose-corde) sur chaque
partie rigide de l'arc, maintenant la corde en place lorsque l'arc, bandé,
n'est pas tendu.
La spécificité
des archers mongols (mais aussi turcs) réside dans la préhension. En
effet, la préhension mongole consiste à tendre la corde avec le pouce,
verrouillé par l'index, parfois aidé du majeur et de l'annulaire. Cette
manière de tenir la corde permet de tendre des arcs plus courts et
beaucoup plus puissants qu'avec une préhension
méditerranéenne. |
|
|
|
Étapes de fabrication
d'un arc mongol traditionnel (arc composite à double
courbure et à extrémités non travaillantes.)
Confection de
l'âme en bois L'âme des arcs
composites est constituée d'une poignée, des branches proprement dites et
des leviers. Le matériau utilisé est le plus souvent le bambou pour les
arcs asiatiques ou le mélèze en Mongolie du Nord. Pour faciliter
l'alignement, l'âme est assemblée dans un ordre précis. La poignée reçoit
les deux branches par une jonction appelée "fish-tail link" (ci-dessous)
puis, par le même procédé chacune des branches reçoit son levier. L'âme
est ensuite assemblée et séchée.
Assemblage
corne-bois Le ventre de l'âme est
creusé longitudinalement en sillons de 1 à 2 millimètres de profondeur et
de largeur depuis le milieu de la poignée jusqu'au genou. La corne
utilisée est du buffle d'eau ou d'ibex pour la Mongolie. Chacune des
lamelles de corne, une fois affinée, est creusée de sillons identiques à
ceux de l'âme en bois. Puis vient l'assemblage corne-âme. Chaque partie
s'emboîte dans l'autre par les sillons qui augmentent la surface de
collage. La pression d'une partie sur l'autre est assurée par un
enroulement de corde autour de l'assemblage. Une fois sec (après plusieurs
semaines) l'assemblage est presque plat à l'exception des leviers qui
forment un angle avec les branches.
L'entendonnage Le tendon utilisé
provient d'animaux sauvages (Ibex en Mongolie). Il est coupé, mis à sécher
et une fois durci, martelé et séparé en fines fibres. Celles-ci sont
ensuite plongées dans la colle chauffée puis déposées longitudinalement
sur le dos de l'arc, en partant du milieu de la poignée vers chaque
levier, en couches successives. Vient alors la phase de séchage (6 mois à
6 ans) pendant laquelle le tendon se rétracte et va donner sa forme
réflexe à l'arc.
Les facteurs
d'arcs mongols
Facture
traditionnelle De nombreux facteurs
d'arcs ont essayé de fabriquer un arc composite d'une manière
traditionnelle et seulement trois facteurs d'arcs (à notre connaissance),
en occident proposent des produits ayant acquis une excellente réputation.
Lucas Novotny, aux Etats-Unis, Joop Koppedrayer, au Canada et Edward Mc
Ewen, en Angleterre. Ils ne fabriquent chacun que 5 à 7 arcs par an, les
délais de livraison peuvent atteindre plusieurs années et le prix est
élevé mais la qualité de la fabrication et les savoir-faire font partie
des "must" de l'archerie mondiale.
Facture
contemporaine En France, Patrice
Canale fabrique des arcs mongols, avec des matériaux contemporains. 32
pièces sont nécessaires à la facture d'un tel arc. Laurent Bernat, quant à
lui, s'est spécialisé dans la recherche d'une colle nécessaire à la
fabrication d'une réplique d'arc mongol. Il en a testé quatre et nous
livre ses résultats puisqu'il "n'a jamais été partisan des petits secrets
de fabrication que gardent jalousement certains facteurs d'arcs ; la
connaissance n'ayant de valeur que si elle est mise en
commun."
Colle N° 1 :
tendon de commerce Colle N° 2 : gélatine de
laboratoire (colle de peau de porc) titrant à 300 Bloom (le Bloom est une
mesure normalisée de résistance à la gélatine) Colle N° 3 : colle de
mâchoire d'Esturgeon Colle N° 4 : colle de
vessie natatoire d'Esturgeon. La préparation de chaque échantillon est
faite à 70 °C pour un pourcentage de matière sèche de 30 à 50 %. Les
essais sont réalisés sur des éprouvettes en chêne, collées deux à deux.
Après quatre jours de séchage, elles sont placées entre les mors
pneumatiques d'une machine à traction "instron". La traction s'effectue à
la vitesse d'un mm par minute, en faisant 20 mesures de force par seconde.
Les résultats concernent la force maximale pour une surface de collage de
1 cm2. Résultats : Échantillon N° 1 :
résistance de 48 +- 6 kg/cm2 (Décollement des 8
éprouvettes, pic de résistance 55 kg) Échantillon N° 2 : résistance de 43
+- 14 kg/cm2 (Décollement de 11
éprouvettes, pic de résistance 64 kg) Échantillon N° 3 : résistance de 49
+- 6 kg/cm2 (Décollement des 11
éprouvettes, pic de résistance 59 kg) Échantillon N° 4 : résistance de 74
+- 14 kg/cm2 (Décollement des
éprouvettes 1,2,5,9 et 10, rupture des éprouvettes 3,4,6,7,8,11,12, pic de
résistance, 92 kg) Dans l'état actuel des
expérimentations, c'est donc la colle de vessie natatoire d'Esturgeon qui
s'avère la plus solide.
De l'arme à
la tradition L'arc mongol
traditionnel n'est plus utilisé aujourd'hui qu'en Mongolie (où
exceptionnellement par les amateurs de cet arc), à l'occasion de la fête
nationale de Naadam. Pendant ces festivités qui durent trois jours, trois
compétitions sportives prennent place, dont le tir à l'arc. La principale
compétition se tient à Ulanbaatar, où les meilleurs archers du pays
viennent tester leur adresse. Le jeu consiste à tirer sous une ficelle
située à 90 mètres de l'archer. Cette ficelle longue de 1,50 mètre, sur
laquelle sont accrochés des rubans rouges espacés de 10 cm est à seulement
40 cm au-dessus du sol. Les archers doivent faire preuve d'une grande
maîtrise puisque l'objectif est de faire passer les flèches sous cette
fameuse ficelle !
Points de
repère L'arc mongol est souvent
confondu avec l'arc hongrois, turc ou coréen. L'arc hongrois se
différencie de l'arc mongol par la position de sa corde. Cette dernière ne
touche pas l'arc, la corde étant en bout de poupée. L'arc coréen, petit
recurve, forme au repos un C très fermé. Quant à l'arc turc, il possède un
bras de levier plus court. La corde est attachée sur une poupée et un
canal central réceptionne la corde qui vient en appui sur l'ensemble du
bras.
Dominique
CAËL L'auteur remercie particulièrement Patrice Canale (pour les
informations générales précieuses), Thomas Kühn (pour les étapes de
fabrication d'un arc mongol), Laurent Bernat (pour avoir livré son secret
de colle) et l'agence de voyage Nomade (pour les informations touristiques
et le crédit photo).
Bibliographie T.M. Hamilton, Native
American bows, Missouri Archeological Society/G.Shunway,
1982 Various, The traditionnal bowyer's bible, Bois d'arc press,
1992 Pour la science, N° 166, 1991 Robert Roth, Histoire de
l'archerie, Les presses du Languedoc, 1992
Agence de
voyage Nomade, 49 rue Montagne Ste
Geneviève, 75 005 Paris. Tél. : 01 46 33 71
71. Fax : 01 43 54 76 12. Internet : http://www
nomade-aventure.com
[Revenir au sommaire des
articles] |
|
|
|
|
|
|
|
|
|